Les russes sont friands de diminutifs. Pour le comprendre, il suffit de voir que Vovotchka – Вовочка, est le diminutif de Vova – Вова, qui est lui-même le diminutif de Vladimir. Même si l’usage du diminutif est périlleux si l’on n’est pas russe, c’est la connaissance de ces « petits riens » qui feront de vous un vrai connaisseur de la langue.
En russe, comme parfois en français, on forme le diminutif en allongeant le mot grâce à un suffixe. Maman – мама (mama) devient, par exemple, ma petite maman ou mamounettte – мамочка (mamotchka) ou мамуля (mamoulia). Ces diminutifs sont dits affectifs et s’appliquent à tout ce que l’on veut, de la petite cuillère – ложечка (lojetchka) juqu’à papy – дедуля (didoulia).
En famille, il est courant de s’appeler par des noms affectueux : nous avons vu mamounette, qui prend son petit déjeuner, pendant que papounet – папочка (papotchka) essaie d’habiller son fiston – сыночек (sinotchek), et que sa fillette – доченька (dautchenka) raconte son dernier rêve à sa mamie – бабуля (baboulia). Attention, frérot se dit bratok – браток (bratok) et non bratan – братан (bratane) qui désigne un comparse en argot.
Si, dans la salle d’embarquement de l’aéroport, une dame d’un âge respectable appelle de loin son mari « mon levraut, on embarque ! », il faut comprendre « mon petit lapin » – зайчонок (zaïtchonok), qui vient, en fait, du mot lièvre – заяц (zaïts), et non du mot lapin – кролик (krolik).
Ceux qui pensent qu’en Russie tout le monde s’appelle Sacha et Dima n’ont pas encore saisi les innombrables variantes diminutives des prénoms russes. Les amis du président russe ne l’appellent sûrement pas Vladimir Vladimirovitch, mais peut-être Vova – Вова ou Valodia – Володя, voire, s’ils sont très proches, Vovotchka – Вовочка. Idem pour Alexandre, qui sera Sacha – Саша ou Choura – Шура, ou encore Sania – Саня. Aniouta – Анюта et Ania – Аня désignent tous deux une personne prénommée Anna à l’état civil. Chaque prénom compte ainsi parfois plus de 10 diminutifs ou dérivés ! Vous découvrirez sans doute bien d’autres « petits » prénoms au cours de votre séjour russe. Pour savoir qui se « cache » derrière Liova – Лева ou Gocha – Гоша, c’est simple, demandez quel est leur prénom à l’état civil – полное имя (polnoïé imia).
Parfois, le suffixe diminutif suffit à désigner une fonction : le mot table – стол (stol), devient table de restaurant – столик(stolik) même pour dix personnes. Si la fenêtre est окно (akno), son diminutif окошко(akochka) désigne un guichet comme celui où l’on achète son ticket de métro. Le mot gâteau ou tarte – пирог (pirog) devient petit pâté – пирожок(pirajok), lequel supporte très bien le diminutif пирожочек (pirajotchek) sans pour autant diminuer en taille.
Le diminutif affectif n’a donc pas comme fonction première d’évoquer quelque chose de petite taille. Si on vous invite à la maison pour une « petite » tasse de thé – чашечку чая et un « petit » morceau de gâteau – кусочек пирога (koussotchek piraga), ce n’est pas par avarice, la tasse et le gâteau seront de bonne taille, n’en doutez pas. C’est plutôt la chaleur de l’invitation qu’il faut retenir, comme lorsqu’on imagine un bon thé bien chaud alors que dehors, derrière les fenêtres, c’est la tempête.
Pourquoi est-il risqué de former des diminutifs lorsqu’on apprend la langue ? Tout simplement parce que certains suffixes peuvent avoir une valeur négative ou dépréciative, comme ce diminutif pour dire « le petit peuple » – народишко (narodichka), qui n’a rien d’affectif. De plus, il n’est pas toujours facile d’évaluer le degré d’intimité dans lequel vous vous trouvez. Un usage déplacé peut vite avoir valeur de sarcasme ou de familiarité malvenue dans votre bouche.
Dans tous les cas, si vos collaborateurs ou amis russes vous accolent sans ironie un diminutif comme « Alaintchik » ou « Carolotchka », cela veut dire que vous êtes bien intégrés dans votre équipe !